Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quelle façon ? répondit-il. — Je vous l’écrirai sur une vitre de mes fenêtres, dit la princesse. — Sur une vitre, Mademoiselle ? répliqua notre comte, et le premier de votre maison qui s’en approchera le saura même plus tôt que moi, et ce n’est que l’honneur de la préférence que j’ai tant demandé à Votre Altesse Royale ? — Comment voulez-vous donc que je vous le dise ? dit Mademoiselle. — Comme il plaira à Votre Altesse Royale, répondit-il, pourvu que je sois le premier qui le sache.

Enfin Mademoiselle fut bien aise de ne pouvoir pas en quelque façon se dédire, et cette violence que M. de Lauzun lui faisoit pour apprendre ce secret diminua beaucoup la peine qu’elle avoit à le lui dire ; de façon que ce que notre amant demandoit à savoir, Mademoiselle souhaitoit de le lui dire, quoiqu’elle n’en fît pas le semblant ; et je trouve qu’elle ne pouvoit se considérer telle qu’elle étoit sans consulter ce qu’elle alloit faire. Mais n’importe ; elle a quelque chose de plus puissant que le sang qui la fait agir, et elle veut achever ce qu’elle à commencé. Aussi cette princesse prend tout à coup ses résolutions sur la réponse qu’elle avoit à faire à M. de Lauzun, et voyant qu’il la pressoit, mais agréablement et dans un profond respect, de lui tenir sa parole, puisque le temps étoit écoulé :

    de vous le dire. J’ai envie, lui dis-je, de souffler sur le miroir, cela épaissira la glace ; j’écrirai le nom en grosses lettres, afin que vous le puissiez bien lire. » Après nous être entretenus longtemps, il faisoit toujours semblant de badiner, et moi je lui parlois bien sérieusement. » (Mém. de Madem., édit. citée, t. VI, p. 129.)