Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/257

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Vous voyez, dit-il, Mademoiselle, comme je suis fidèle à vos ordres ; minuit vient de sonner, et cependant voilà encore ce billet avec votre cachet dessus tout entier, sans que j’y aie touché. Mais enfin, continua-t-il, plus transporté que jamais, n’est-il pas encore temps que je me réjouisse de mon bonheur ? — Attendez encore un quart d’heure, dit Mademoiselle, après je vous permets de l’ouvrir. » Ce quart d’heure étant passé : « Il est donc temps, Mademoiselle, dit-il, que je me serve du privilége que Votre Altesse Royale m’a donné, puisqu’il est presque minuit et demi ? — Oui, répondit Mademoiselle, allez, ouvrez-le, et m’en dites demain des nouvelles. Adieu, jusqu’à ce temps-là, où nous verrons ce qu’a produit ce billet tant désiré. » M. de Lauzun, ayant pris congé de Mademoiselle, se retira chez lui avec une promptitude inconcevable.

La curiosité est comme une chose naturellement attachée à l’esprit de l’homme ; cela est si vrai qu’il n’y a chose au monde que l’homme ne mette en usage pour apprendre ce qu’il s’est mis une fois en tête de savoir, et cette curiosité produit des effets différens, suivant les différens sujets qui la causent. Celle de M. de Lauzun étoit très-louable et très-bonne en sa nature. Le moyen dont il se pouvoit servir pour en voir la fin étoit fort incertain, et la fin très-douteuse et même dangereuse. Sa curiosité étoit louable et bonne, car il vouloit savoir s’il se pouvoit faire aimer de Mademoiselle ; les moyens dont il se servit pour cela sont honnêtes, même fort nobles, et quoique jusqu’ici il n’ait eu que