Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/258

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de grandes espérances de leurs bons effets, néanmoins il n’en a point encore de véritable certitude. Il n’y a donc que ce billet qu’il tient entre ses mains qui le puisse instruire de tout ; et ce sera par la fin qu’il nous sera permis, aussi bien qu’à lui, de juger certainement de toutes choses.

Il ne fut pas plus tôt arrivé chez lui, où il s’étoit rendu avec la dernière promptitude, que la première chose qu’il fit fut d’ouvrir ce billet ; mais il ne fut pas peu surpris de voir son propre nom écrit de la main de Mademoiselle. Je vous laisse à juger de son étonnement, et si cette vue ne lui donna pas bien à penser : car enfin il est certain qu’il y avoit de quoi craindre aussi bien que d’espérer. Il est vrai que jusque-là toutes choses lui avoient, selon toutes les apparences, fort bien réussi ; mais comme le sexe est d’ordinaire fort dissimulé, Mademoiselle pouvoit n’avoir fait tout cela que pour son plaisir, et peut-être pour se moquer de lui, et la grande disproportion qu’il y a entre cette princesse et M. de Lauzun lui donnoit une furieuse crainte. Il eut pendant toute cette nuit l’esprit agité de mille pensées différentes. Tantôt il repassoit dans son souvenir le procédé de Mademoiselle, et il y trouvoit mille bontés et un traitement si favorable et si extraordinaire pour une personne de sa qualité, qu’il se figuroit que toutes ces choses ne pouvoient partir que de la sincérité de cette princesse ; et la manière obligeante avec laquelle elle avoit agi avec lui, lui disoit à tous momens qu’il y avoit quelque motif secret qui l’avoit poussée à toutes ces choses, mais qu’il étoit aisé de voir qu’assurément elle y alloit de bonne foi, et qu’il devoit espérer une