Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/259

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glorieuse fin après un si heureux commencement et des progrès si avantageux. Il n’y avoit donc que l’inégalité des conditions qui lui étoit un grand obstacle, et qui le faisoit toujours douter. Il étoit tellement embarrassé sur ce qu’il devoit faire, s’il lâcheroit le pied ou s’il poursuivroit jusques au bout, qu’il passa, comme j’ai déjà dit, la nuit entière dans des inquiétudes horribles, et son cœur, qui avoit combattu longtemps entre l’espoir et la crainte, étoit encore dans l’irrésolution sur ce qu’il devoit faire, lorsque le jour parut. Enfin, l’un l’emporta sur l’autre ; de tous les divers mouvemens entre lesquels ce pauvre cœur flottoit, un seul l’emporta sur tous, je veux dire l’espérance ; aussi elle est comme le lait et la nourriture qui fait subsister l’amour.

M. le comte de Lauzun, dont l’âme étoit à la gêne, animé d’un doux et agréable espoir, prend une forte résolution de voir la fin de son entreprise à quelque prix que ce soit. Pour cet effet, après s’être préparé à toutes sortes d’événemens, il veut, comme, un autre César, forcer le destin ; faisant même voir par là, comme fit ce grand empereur, que son grand cœur n’est pas moins disposé à résister hardiment à toutes les attaques de la mauvaise fortune qu’à recevoir agréablement le fruit d’un heureux succès. Il veut que ce cœur, qui se promet un siècle de délices s’il est victorieux, attende de pied ferme toutes les rigueurs de son infortune s’il est vaincu ; il sait que c’est dans les grands combats et dans les entreprises les plus hardies et douteuses que l’on trouve une véritable gloire, et qu’il n’est pas même besoin de toujours vaincre pour emporter