Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/261

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alors notre comte, qui jusque là avoit écouté fort attentivement Mademoiselle, je ne l’aurois jamais cru, que Votre Altesse Royale se fût moquée de moi si ouvertement. Quoi ! Mademoiselle, pour m’être entièrement voué à Votre Altesse Royale, la fidélité avec laquelle j’en ai agi méritoit, ce me semble, quelque chose de moins qu’une moquerie si claire et qui me va rendre le jouet et la risée de toute la Cour ; et vous me demandez encore d’où vient le sujet de ma tristesse ? Vous me mettez, si je l’ose dire, le poignard dans le sein, et vous vous informez de la cause de ma mort ! Enfin ; vous me traitez comme le dernier de tous les hommes, et pour me rendre l’affront que vous me faites plus sensible, vous me voulez encore forcer à la cruelle confusion de vous le dire moi-même. Ha ! Mademoiselle, que ce traitement est rude pour une personne qui en a agi si sincèrement avec vous ! Je n’ai jamais agi envers Votre Altesse royale que de la manière que je le dois. Je vous connois comme une des plus grandes princesses de toute la terre, et je me connois moi-même comme un simple cadet, qui vous doit tout par toutes sortes de raisons. Mais quoique cadet et simple gentilhomme, la nature m’a donné un cœur haut et assez bien placé pour ne me souffrir rien faire d’indigne. — Mais que voulez-vous dire ? reprit Mademoiselle ; il semble, à vous entendre parler que je vous ai fait quelque grand tort en vous accordant une chose qui m’est de la dernière importance et dont j’ai fait un secret à toute la terre. Jusques ici vous m’avez paru fort galant, mais à cette fois je vous avoue que je ne vous reconnois