Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/272

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votre esprit éclairé en fera fasse naître celle de tout l’univers. Et puisque votre royale main me destine à une place dont le seul souvenir me fait trembler de crainte et de respect, il faut que cette belle main qui me prépare à un si haut bonheur ne soit pas la seule à agir dans une action si peu commune : c’est-à-dire, Mademoiselle, qu’étant assez malheureux pour ne mériter pas seulement que Votre Altesse Royale pense à moi, et que, nonobstant toutes ces raisons, elle a la bonté de me destiner au plus suprême degré de bonheur, vous devez, Mademoiselle, pour l’amour de vous-même, m’estimer : car c’est de votre estime seule que le choix que vous avez fait de moi recevra tout son prix, et c’est par là que toute la terre me verra avec moins de peine et de tourment monté en peu de temps à un si haut faîte de grandeur ; et cette élévation si prompte et cette haute estime me feront trouver l’accès libre chez les esprits des personnes même qui en seront d’abord surprises. C’est le seul moyen, Mademoiselle, de trouver de quoi vous satisfaire, et de quoi n’avoir pas lieu de vous repentir.

— S’il ne faut que vous estimer, Monsieur, dit Mademoiselle, pour ne me point repentir, je me vante de ne me repentir jamais ; et pour vous tout dire, il suffit de vous aimer tendrement pour être aussi contente de mon choix que je me le promets. Et pour vous obliger à en faire autant, je suis assurée de vivre le reste de mes jours la plus heureuse princesse du monde. Jusqu’ici vous n’ayez eu que des paroles qui vous aient flatté, mais vous verrez bientôt les effets.