Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/273

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Et je m’en vais vous faire voir la sincérité de mon cœur d’une manière qui vous ôtera tout scrupule, et je ne veux plus que vous me croyiez qu’aux effets. Songez seulement à cela, si vous voulez votre fortune, et ne perdez point le temps, si vous m’aimez ; le Roi vous aime, faites en sorte d’avoir son consentement, et soyez assuré du mien, et que je m’en vais y faire tout ce que je pourrai. — Oh ! Mademoiselle, s’écria alors le comte de Lauzun, se jetant pour une seconde fois à ses pieds, qu’est-ce que je pourrai faire pour reconnoître toutes les étroites obligations que j’ai à Votre Altesse Royale, après en avoir reçu des preuves si sensibles ? Quoi, la plus grande princesse de la terre en qualité, en biens et en mérite, s’abaissera jusqu’à venir chercher un homme privé pour l’honorer de ses bonnes grâces ? Ah ! c’est trop. Mais elle lui offre non seulement ses bonnes grâces, son amitié, mais aussi son cœur privativement à tout autre, et ses affections ! Et pour dernier témoignage d’une générosité inestimable, cette même princesse lui veut donner sa royale main et généralement ce qui est en son pouvoir ! Ah ! fortune, que tu m’es aujourd’hui prodigue, et que tu m’es aussi cruelle, puisque, me donnant tout, tu me laisses dans l’impossibilité de pouvoir témoigner ma juste reconnoissance que par de seuls désirs ! Le présent que tu me fais est d’une valeur infinie, mais il seroit plus conforme et à mes forces et à mon peu de mérite s’il étoit moindre, parce que je pourrois concevoir quelque sorte d’espérance de m’acquitter. Il est vrai, Mademoiselle, que Votre Altesse Royale me met aujourd’hui au-dessus du bonheur même ; mais