Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/284

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proféra après avoir ouï ce rude arrêt fut : « Et que deviendra M. de Lauzun, Sire, et que deviendrai-je ? — Je ferai en sorte, répliqua le Roi, qu’il aura lieu d’être satisfait. Mais, ma cousine, me promettez-vous de ne rien faire sans moi ? — Je ne promets rien », dit cette princesse affligée, en sortant brusquement de la chambre du Roi. Et pour M. de Lauzun, le Roi lui dit, pour le consoler, qu’il ne songeât point à sa perte, et qu’il le mettroit dans un état qu’il n’envieroit la fortune de personne.

N’admirez-vous pas ce prompt changement de Fortune, qui jusque-là avoit ri à ces amants ? Au point qu’ils se croyoient en sûreté, ils ont fait naufrage ; et par une vicissitude qui n’eut jamais de semblable, tous les plaisirs que ces deux cœurs étoient à la veille de goûter ensemble se sont changés en des amertumes qui ne finiront qu’avec leur vie. Si vous avez fait réflexion sur cette première parole de Mademoiselle, lorsque le Roi lui annonça ce funeste arrêt, elle demanda quel seroit le sort de son amant, et après : « Que deviendrai-je moi-même ? » comme si l’union de leurs corps ensemble devoit faire leur mutuel bonheur. Voilà, ce me semble, ce que l’on doit appeler amour sincère et véritable, et l’on en voit peu de cette trempe, principalement dans ce sexe. Je souhaiterois qu’elles

    heures du soir ; la Reine, Monsieur et plusieurs barbons firent entendre à Sa Majesté que cette affaire faisoit tort à sa réputation ; en sorte qu’après avoir fait venir Mademoiselle et M. de Lauzun, le Roi leur déclara devant M. le Prince qu’il leur défendoit absolument de songer à ce mariage. » (Lettre du vendredi 19 déc. 1670.)