Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/288

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ensuite qu’ils avoient en leur faveur plusieurs exemples, non seulement de princesses du sang royal qui ont fait l’honneur à des gentilshommes de les épouser, mais même des reines douairières de France. Pour conclusion, les instances de ces quatre personnes furent si pressantes en leurs raisons et si persuasives sur le principe de ne pas désobliger toute la noblesse françoise, que je me rendis à la fin et donnai un consentement au moins tacite à ce mariage, haussant les épaules d’étonnement sur l’emportement de ma cousine, et disant seulement qu’elle avoit quarante-cinq ans [1] et qu’elle pouvoit faire ce qui lui plairoit. Dès ce moment l’affaire fut tenue pour conclue ; on commença à en faire tous les préparatifs ; toute la Cour fut rendre ses respects à ma cousine, et fit des complimens au comte de Lauzun.

Le jour suivant il me fut rapporté que ma cousine avoit dit à plusieurs personnes qu’elle faisoit ce mariage parceque je l’avois voulu. Je la fis appeler, et ne lui ayant point voulu parler qu’en présence de témoins, qui furent le duc de Montauzier, les sieurs Le Tellier, de Lionne, de Louvois [2], n’en ayant pu trouver d’autres sous ma main, elle désavoua fortement d’avoir jamais tenu un pareil discours, et m’assura au contraire qu’elle avoit témoigné et témoigneroit toujours à tout le monde qu’il n’y avoit rien de possible que je n’eusse fait pour lui ôter son dessein de l’esprit et pour l’obliger à changer de résolution. Mais hier, m’étant revenu de divers endroits que là plupart des gens se mettoient en tête

  1. Mademoiselle avoit en réalité quarante-trois ans, et M. de Lauzun trente-sept ans. Elle étoit née en mai 1627 et lui en 1633.
  2. Tous trois ses ministres.