Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/29

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qui y trouveront à redire ; et, afin que nul n’ignore mes sentimens pour elle, dès ce moment j’en rendrai le public témoin en l’allant voir dans la plus belle heure du jour. » Et, pour n’y pas manquer, il donna ses ordres pour ses équipages, qui furent prêts à quatre heures du soir, dans les plus beaux jours de l’été. Il descendit chez elle que le Cardinal y étoit ; mais le grand empressement du Roi pour voir mademoiselle de Mancini ôta la liberté à Son Éminence de sortir sans se trouver sur les pas de Sa Majesté, qui lui dit en le retenant par le bras : « Je suis bien aise de vous voir ici, non que j’y vienne pour vous, n’y ayant que mademoiselle votre nièce qui m’y attire. Je vous conseille, monsieur le Cardinal, si vous voulez que nous vivions ensemble, de ne point désormais troubler mon repos ; autrement je répondrai de vous, dussé-je avoir l’Église à dos. »

Le Cardinal, qui voyoit bien que le Roi étoit instruit de toutes les conversations qu’il avoit eues avec sa nièce, ne savoit pas quelle posture tenir devant l’un et l’autre. Il prit le prétexte de ne les point gêner pour les laisser en liberté ; il les quitta, et, comme le Roi étoit accompagné de quatre seigneurs, ceux-ci voulurent suivre Son Éminence ; mais la vertu de mademoiselle de Mancini leur fut un obstacle, ayant demandé au Roi, par grâce, qu’ils restassent avec lui ; non qu’elle doutât de ses bontés pour elle ni de sa sagesse, mais elle étoit toujours bien aise d’avoir avec Sa Majesté quelqu’un qui pût justifier sa conduite.

Comme ils furent à même de discourir ensemble, le Roi fut le premier qui porta la parole. « Enfin, dit-il, j’ai toutes les grâces du monde à vous