Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous méritez qui m’ait fait changer de résolution : ma seule considération m’y a obligée, quoique je sois fâchée qu’une personne pour qui j’avois conçu de l’estime m’ait fait une telle injure. Mais, puisque par votre procédé vous vous en êtes rendu indigne, tout ce que je puis faire, si vous m’obéissez en vous retirant, c’est de ne me venger de votre indiscrétion qu’en vous laissant la honte que vous devez en avoir toute votre vie. » En achevant ces paroles, et en lui faisant mille autres reproches, elle lui commanda encore de se retirer.

Le chevalier de Fosseuse, accablé de ces reproches, se jeta à genoux auprès du lit de madame de Bagneux, et, l’ayant conjurée de vouloir l’entendre, il lui représenta si fortement, et avec des marques si grandes d’une âme remplie d’amour et de douleur, qu’il reconnoissoit que sa passion ne l’avoit pas laissé maître de sa raison, mais qu’il n’avoit pu se résoudre à s’éloigner d’elle sans lui déclarer l’effet que sa beauté avoit fait sur son cœur, qu’elle commença d’attribuer à la force d’un véritable amour ce qu’elle avoit pris d’abord pour une indiscrétion où le mépris avoit part.

Il se fit ensuite un horrible combat dans son cœur. L’inclination secrète qu’elle avoit eue pour le chevalier de Fosseuse, succédant à son ressentiment, lui fit sentir de la joie de connoître qu’elle en étoit aimée. Elle rejeta au commencement cette joie comme une chose criminelle ; mais elle en fut enfin vaincue. Si elle ne lui pardonna pas entièrement ce que la violence de sa passion lui avoit fait commettre, elle ne continua