Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/378

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amoureuse, chacun, qui se fait un plaisir de suivre l’exemple de son prince, fit ce qu’il put pour se mettre bien auprès des dames. Mais celles-ci leur en épargnèrent la peine bientôt. Soit qu’elles se plussent à faire des avances, ou qu’elles eussent peur de n’être pas du nombre des élues, l’on remarqua que sans attendre ce que la bienséance leur ordonne, elles se mirent dans peu de temps à courir après les hommes. Cela fut cause qu’il y en eut beaucoup qui les méprisèrent, d’où se seroit ensuivie la reconnoissance de leur faute, si ce n’est que le tempérament l’emporta sur la réflexion.

Madame de Montespan [1] fut de celles-là. Elle passoit pour une des plus belles personnes du monde. Cependant elle avoit encore plus d’agrément dans l’esprit que dans le visage [2]. Mais toutes ces belles qualités étoient effacées par les défauts de l’âme, qui étoit accoutumée aux plus insignes fourberies, tellement que le vice ne lui coûtoit plus rien. Elle étoit d’une des plus anciennes maisons du royaume, et son alliance autant

  1. Madame de Montespan étoit Françoise-Athénaïs de Rochechouart, fille de Gabriel, marquis de Mortemart, et de Diane de Grandseigne. Née en 1641, elle épousa, en 1663, Henri-Louis de Gondrin de Pardaillan, marquis de Montespan et d’Antin, et mourut le 28 mai 1707.

    Celui-ci étoit le troisième fils de Roger-Hector de Pardaillan de Gondrin et de Marie-Christine Zamet, fille unique et héritière de Sébastien Zamet. La mort de ses deux frères aînés laissa le marquis Henri-Louis maître d’une fortune considérable, qui lui étoit venue tant de son père que de son grand-père maternel, lequel se disoit « seigneur de dix-huit cent mille écus. »

  2. « J’ai beaucoup d’inclination pour elle, qui est fort aimable, dit mademoiselle de Montpensier ; c’est une race de beaucoup d’esprit, et d’esprit fort agréable, que les Mortemart. » (Mém. de Montpensier, VII, 42.)