Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/383

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l’intelligence que la princesse de Monaco commençoit d’avoir avec lui, il s’en fut chez elle, et, ne l’ayant point trouvée, il cassa un grand miroir, comme s’il eût été bien vengé par là. La princesse de Monaco s’en plaignit au grand Alcandre, qui lui répondit que c’étoit un fou dont elle alloit être assez vengée par son absence ; qu’il en avoit souffert lui-même des choses surprenantes, mais qu’il lui pardonnoit tout cela, considérant bien qu’il devoit être au désespoir de perdre les bonnes grâces d’une dame qui avoit autant de mérite qu’elle en avoit.

Au bout des vingt-quatre heures, il demanda à M. de Lauzun à quoi il étoit résolu : à quoi ayant répondu que c’étoit à ne point partir s’il ne lui donnoit le commandement de l’armée, le grand Alcandre se mit en colère contre lui, et le menaça tout de nouveau de le réduire en tel état qu’il auroit lieu de se repentir de l’avoir poussé à bout. Mais M. de Lauzun, n’en devenant pas plus sage pour toutes ces menaces, lui répondit que tout le mal qu’il lui pouvoit faire étoit de lui ôter la charge de général des dragons qu’il lui avoit donnée, et que, comme il l’avoit bien prévu, il en avoit la démission dans sa poche. Il la tira en même temps et la lui jeta sur une table auprès de laquelle il étoit assis ; ce qui fâcha tellement le grand Alcandre, qu’il l’envoya à l’heure même à la Bastille. On fut étonné de sa disgrâce, personne ne sachant encore ce qui étoit arrivé, et devinant encore moins jusqu’où avoit été la brutalité de ce favori.

Madame de Montespan, ayant appris son malheur, fut ravie du retardement qu’elle avoit apporté