Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/39

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lui avoit été donnée par un Italien de ses amis, lequel, s’étant chargé du dénoûment de la scène au préjudice de celle que le Roi méditoit promptement de faire, écrivit au prince que, la nièce du Cardinal étant un parti qui lui convenoit, il se croyoit obligé, comme il étoit son ami, de lui mander qu’il ne feroit pas mal d’y songer ; que, s’il pouvoit en cela quelque chose pour lui, il pouvoit disposer de lui en toute sûreté ; qu’il le serviroit auprès du Cardinal d’une façon qu’il auroit tout lieu de se louer de sa négociation. Cette lettre produisit si bien son effet que, trois semaines après, le prince envoya demander mademoiselle de Mancini, que le Cardinal accorda sur-le-champ. Comme la Reine et lui avoient pris leurs mesures pour n’être point contrariés dans une si grande affaire, les ordres furent donnés pour son départ sans qu’elle sçût rien, et, le jour funeste de la séparation étant venu, le Roi, qui avoit été absent quelques jours, à qui on avoit tout caché, vint comme par un fait exprès et se trouva lorsqu’elle montoit en carrosse, qui, jugeant bien son éloignement, auquel il n’auroit pu remédier, pleura amèrement. Ses pleurs, qui l’instruisirent du malheur qui la suivoit, firent qu’elle lui dit, aussi fâchée que lui l’étoit : « Je pars, vous pleurez, et vous êtes roi [1] ! » Et, se

  1. Il semble qu’il soit ici question du départ pour l’Italie de Marie de Mancini. C’est une erreur. Les célèbres paroles rapportées ici, ou des paroles équivalentes, n’ont pu être prononcées qu’au moment où le roi envoya ses nièces Hortense, Marianne et Marie, à Brouage, sous la surveillance de madame de Venelle, pour faire oublier Marie au roi, quand les négociations avec l’Espagne furent entamées. (Cf. Ed. Fournier, l’Esprit dans l’hist., Paris, Dentu, 1857, p. 167-171.)