Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Lauzun à un compliment, si peu attendu ; car, quoiqu’il eût donné lieu au grand Alcandre d’en user encore plus rigoureusement avec lui, comme on ne se rend jamais justice, et que d’ailleurs on se flatte toujours, il croyoit que l’amitié qu’il lui avoit toujours témoignée prévaudroit pardessus son ressentiment. Il demanda au chevalier de Fourbin s’il n’y avoit pas moyen qu’il lui pût parler ; mais lui ayant dit que cela lui étoit défendu, il s’abandonna au désespoir. On le garda à vue pendant toute la nuit, comme on eût pu faire l’homme du monde le plus criminel ; et le chevalier de Fourbin l’ayant remis le lendemain entre les mains de M. d’Artagnan [1], capitaine-lieutenant de la première compagnie des mousquetaires du grand Alcandre, M. de Lauzun se crut perdu, parce que M. d’Artagnan n’avoit jamais été de ses amis. Ainsi, il se mit dans l’esprit qu’on ne l’avoit choisi que pour lui faire pièce ; inférant en même temps que, pour le traiter avec tant de cruauté, il falloit que ses ennemis eussent prévalu entièrement sur l’esprit du grand Alcandre.

M. d’Artagnan, ayant pris les ordres de M. de Louvois, par le commandement du grand Alcandre, conduisit M. de Lauzun à Pierre-Encise, et de là à Pignerolles [2], où on l’enferma dans une

  1. Il y avoit deux compagnies de mousquetaires à cheval, et toutes deux avoient pour capitaine le roi ; le capitaine lieutenant de la première étoit Charles de Castelmar, seigneur d’Artagnan, dont Gatien des Courtils a publié les mémoires apocryphes ; le capitaine lieutenant de la seconde étoit un Colbert.
  2. La citadelle de Pignerolles avoit pour gouverneur M. de Saint-Mars. Lauzun y trouva Fouquet, avec qui il avoit été brouillé pour je ne sais quelle galanterie, et avec qui il