Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/446

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fusil, ce qui ne lui arrivoit pas souvent, il tournoit la tête en arrière, de peur que le feu ne prît à ses cheveux ; au reste, grand parleur et grand menteur, mais avec tout cela le meilleur homme du monde, offrant service à un chacun sans jamais en rendre à personne.

La réputation où il étoit de n’être pas trop dangereux avec les femmes, à qui l’on disoit même qu’il ne pouvoit faire ni bien ni mal, ayant fait croire à la duchesse de La Ferté qu’il s’apercevroit moins qu’un autre du sujet qui la retenoit au lit, elle lui manda de la venir voir, et, lui faisant valoir cette grâce, elle en reçut des remerciemens proportionnés à son esprit. Il lui protesta qu’après des marques d’une si grande distinction il vouloit vivre et mourir son serviteur très humble ; et pour lui donner des témoignages plus essentiels de son attachement, il lui jura qu’elle et ses amis n’auroient jamais de procès par-devant lui qu’il ne le leur fît gagner, sans entrer en connoissance de cause qui auroit raison ou non ; que c’étoit ainsi que les bons amis en devoient agir, sans rien examiner davantage que le plaisir de leur rendre service.

Après mille autres protestations de service de la même sorte, il en revint enfin à l’amour qu’il avoit pour elle depuis si longtemps ; et, tâchant d’accorder ses yeux avec ses paroles, il les tourna languissamment sur elle, lui demandant si elle étoit résolue de le faire mourir. La duchesse lui dit qu’apparemment ce n’étoit pas là son dessein, ce qu’il pouvoit bien juger lui-même, puisqu’elle l’avoit envoyé quérir, se ressouvenant qu’il lui avoit dit plusieurs fois qu’il ne pouvoit