Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/45

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avoué que rien dans la vie ne le touche si sensiblement que les plaisirs que l’amour donne, et c’est là son penchant. Il est un peu dur, beaucoup avare, l’humeur dédaigneuse et méprisante, avec les hommes assez de vanité, un peu d’envie et pas commode s’il n’étoit roi, mais beaucoup de courage, infatigable, variable, plein d’honneur, gardant sa parole avec une fidélité extrême, reconnoissant, plein de probité, estimant ceux qui en ont, haïssant ceux qui en manquent, ferme à tout ce qu’il a entrepris. Quoique j’aie dit que son foible étoit pour les femmes, il n’en a jamais aimé grand nombre. Sa première amourette fut la princesse de Savoie [1]. Le cardinal Mazarin avoit engagé la duchesse de Savoie à venir à Lyon avec les princesses ses filles, sous prétexte de faire épouser l’aînée au roi. Elle s’appeloit Marguerite. L’artifice réussit [2]. À peine la cour d’Espagne en fut avertie qu’elle dépêcha Pimentel à Lyon, où le Roi s’étoit rendu avec toute la cour. Il lui offrit l’infante Marie-Victoire [3] d’Autriche, que le Roi épousa. On renvoya la duchesse

  1. Voy., dans les Mémoires de Mademoiselle (édit. Maestricht, 1776, t. 4, p. 241 et suiv.), le récit du voyage de Lyon que fit le roi pour voir Marguerite de Savoie, petite-fille de Henri IV par sa mère Christine de France, l’arrivée de Pimentel, envoyé d’Espagne, la rupture du mariage projeté ; mademoiselle de Montpensier confirme longuement ce passage de notre auteur.
  2. C’est que Mazarin n’avoit eu d’autre but que d’amener la cour d’Espagne à se décider.
  3. C’est Marie Thérèse d’Autriche, fille de Philippe IV et d’Élisabeth de France. Comme Marguerite de Savoie, Marie Thérèse étoit, par sa mère, petite fille de Henri IV. Elle étoit née, comme Louis XIV, en 1638.