Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/458

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Madame, lui répondit-il, cela est bien de mauvaise grâce à vous, qui après m’avoir mis vous-même dans l’état où je suis, devriez du moins avoir l’honnêteté de me ménager. Croyez-moi, ce sera pour la première et pour la dernière fois de ma vie que j’aurai affaire à vous ; et quoique j’aie vu Louison d’Arquien un an tout entier, ce que je veux bien vous avouer maintenant, je n’ai jamais eu le moindre sujet de m’en repentir toute ma vie. »

La duchesse de La Ferté ne put souffrir ses reproches sans entrer dans un emportement épouvantable. Elle prit les pincettes du feu, dont elle lui déchargea un coup de toute sa force, et, faisant succéder les injures aux coups, elle lui dit que c’étoit bien à faire à un petit bourgeois comme lui, de vouloir familiariser avec une femme de sa qualité ; que quand ce qu’il disoit seroit vrai, elle lui avoit fait encore trop d’honneur ; qu’il prît la peine de sortir de sa maison, sinon qu’elle l’en feroit sortir par les fenêtres ; et, le poussant dehors avec le bout des pincettes, L’Avocat, qui voyoit qu’il n’y avoit point de raillerie avec elle, se jeta à ses pieds, la priant de lui vouloir pardonner ; qu’il connoissoit bien qu’il avoit tort, mais qu’il lui étoit dur de voir qu’elle l’insultoit, s’imaginant que ce qu’elle en faisoit n’étoit que par mépris ; que c’étoit là le sujet de ses plaintes ; qu’elle entrât dans ses sentimens, qu’il n’y avoit rien à redire à sa délicatesse ; et que, si elle avoit été présente à ses tourmens, elle auroit vu qu’il les avoit soufferts avec tant de résignation, qu’elle avoueroit qu’il étoit un véritable martyr d’amour.