Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/463

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logeant fort près de chez lui. Comme il vit enfin que sa disgrâce duroit toujours, il s’adonna entièrement chez le duc de Ventadour, à qui il conseilla de se raccommoder avec sa femme. Il fut l’entremetteur secret de ce raccommodement, et, trouvant là ce qu’il avoit perdu, c’est-à-dire autant de qualités tout au moins que chez la duchesse de La Ferté, une belle femme et une bonne table, il piqua la table assidument, et tâcha de se mettre bien auprès de la femme, qui, étant plus réservée que sa sœur dans ses plaisirs, le rebuta tellement la première fois qu’il lui voulut parler, qu’il n’osa plus s’exposer à un second refus.

Cependant, le duc et la duchesse de La Ferté continuoient toujours de vivre comme ils avoient commencé. La duchesse avoit l’abbé de Lignerac pour tenant, et son argent lui tenoit lieu de mérite. Pour ce qui est du duc, il ne s’arrêtoit nulle part, et comme il n’étoit pas homme à filer le parfait amour, il trouvoit toutesfois et quantes qu’il en vouloit des maîtresses dans les lieux publics. Sa passion étant là bien assouvie, il les battoit le plus souvent après les avoir caressées et faisoit ainsi succéder les caresses aux coups. Un jour qu’il faisoit la débauche dans un de ces endroits-là avec le duc de Foix, Biran et quelques autres, Biran lui dit qu’il s’étonnoit de ce que lui, qui aimoit à goûter les plaisirs dans leur naturel, n’eût pas fait venir coucher sa femme une fois chez Louison d’Arquien, ou chez Madelon

    n’a point de pot-au-feu, quand il envoie quérir un ordinaire à la gargotte, ou quand il est écorniffleur, quand il va quêter ça et là des repas. » (Furetière.)