Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/474

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comment m’annoncer moi-même ? » Le grand Alcandre, qui prêtoit l’oreille à ce qu’il disoit, jugea bien, après la permission qu’il lui avoit donnée, que ce qu’il en faisoit n’étoit que par discrétion ; et étant bien aise d’avoir lieu de quitter une conversation si désagréable, il dit au prince de Marsillac qu’il pouvoit entrer : ce qui fut cause que madame de Montespan tâcha de se contraindre, de peur que le bruit de sa disgrâce, qu’elle vouloit cacher, ne courût toute la cour.

Étant sortie un moment après, elle laissa le grand Alcandre dans la liberté d’ouvrir son cœur au prince de Marsillac, qui avoit grande part dans sa confiance, et à qui il avoit donné en moins d’un an pour plus de douze cent mille francs de charges : car incontinent après la disgrâce de M. de Lauzun, il l’avoit obligé de prendre le gouvernement de Berri, que ce favori avoit, et qu’il ne vouloit pas accepter, parce que, n’ayant jamais été de ses amis, il avoit peur qu’on ne dît dans le monde qu’il auroit poussé le grand Alcandre à le faire arrêter afin de profiter de ses dépouilles.

Le grand Alcandre trouva que sa délicatesse étoit d’autant plus belle qu’elle étoit rare dans les courtisans ; et comme elle ne pouvoit partir que d’un grand cœur, il l’eut encore en plus grande estime. A quelque temps de là, il lui donna encore la charge de grand maître de la garde-robe, vacante par la mort du marquis de Guitry, qui avoit été tué au passage du Rhin [1]. Mais il la

  1. Voy. plus haut, p. 412. Gui de Chaumont, marquis