Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/48

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heures, et souvent madame de Venelle [1] les surprenoit comme ils s’apprêtoient à goûter de grands plaisirs ; mais il faut dire la vérité, que leurs joies n’ont été qu’imparfaites. Le Roi l’auroit épousée sans les oppositions du Cardinal [2], soufflé par la Reine, qui lui fit promettre, un jour qu’il souhaita d’elle des marques de son amour, qu’il empêcheroit la chose. « Ce que je vous demande, lui disoit-elle, n’est pas une si grande preuve de votre passion que vous pensez ; car enfin, si le Roi épouse votre nièce, assurément il la répudiera et vous exilera, et je vous jure que cette dernière chose m’inquiète plus que le mariage, quoique je voie absolument mes desseins ruinés pour la paix si le Roi n’épouse la fille du Roi d’Espagne. » Le Cardinal donna dans le panneau, promit tout à la Reine pour avoir tout : tant il est vrai que chair d’autrui ne nous est rien ! Cette fois il ne fut pas Italien [3], car le Roi a aujourd’hui marqué une aversion invincible pour les démariages, et il le déclare si souvent qu’il donne bien lieu de croire qu’il ne se seroit pas voulu servir de cet infâme usage. Le Cardinal [4]

  1. Gouvernante des nièces de Mazarin. Pendant qu’il étoit à Saint-Jean-de-Luz, pour le mariage du roi, Mazarin écrivoit à la reine (29 juillet 1659) : « Madame de Venel fait tout ce qu’elle peut, mais la déférence qu’on a pour elle est fort médiocre. » (Négociations de la paix des Pyrénées.)
  2. Voy. ci-dessus, p. 10. Cf. Mém de Brienne, Choisy, Motteville, La Fayette, Montglat, etc.
  3. Var. La copie conservée dans les ms. de Conrart (in-fol. XVII) porte cette variante précieuse :
    « Car le Roi a toujours paru avoir une trop grande aversion pour ce mariage pour l’avoir voulu faire, et il s’en est expliqué souvent. »
  4. Voy. ci-dessus.