Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/49

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maria enfin sa nièce au duc de Colonna [1]. Notre prince pleura, cria, se jeta à ses pieds et l’appela son papa ; mais enfin il étoit destiné que les deux amans se sépareroient. Cette amante désolée, étant pressée de partir et montant pour cet effet en carrosse, dit fort spirituellement à son amant, qu’elle voyoit plus mort que vif par l’excès de sa douleur : « Vous pleurez, vous êtes roi, et cependant je suis malheureuse, et je pars effectivement. » Le Roi faillit à mourir de chagrin de cette séparation ; mais il étoit jeune, et à la fin il s’en consola, selon les apparences. Il ne se consoleroit pas aujourd’hui si facilement. Il est vrai qu’il aime plus que jamais on n’a aimé : c’est mademoiselle de La Vallière, fille de la maison de Madame. (Quoiqu’elle ne soit pas selon l’ordre de Melchisédech, vous me dispenserez de raconter sa généalogie, n’y ayant rien de si illustre que sa personne. Je dirai seulement en passant que le duc de Montbazon avoit promis au père de cette fille de lui faire donner sa noblesse [2] ; mais il mourut avant que monsieur de

  1. Var. : Ms. de Conrart :
    « Le roy pleura, cria, se jetta aux pieds du cardinal, l’appelant son père ; mais enfin il estoit destiné que ces deux cœurs ne s’espouseroient pas. Mademoiselle de Mancini, voyant son amant plus mort que vif, elle ne se sentant pas mieux, luy dit fort spirituellement, montant en carrosse pour partir : « Vous m’aimez, Sire, vous pleurez, vous vous desesperez, vous estes le roy, et cependant je pars ! »
  2. Voy. la note, p. 1. Quant aux relations possibles du père de mademoiselle de La Vallière et du duc de Montbazon, elles s’expliquent par le séjour que faisoit le duc en Touraine, à sa maison de Cousières, où il mourut en 1654, à l’âge de 86 ans. Bayle (art. de Marie Touchet) dit à ce sujet