Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/50

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Montbazon eût exécuté sa parole. Sa veuve épousa monsieur de Saint-Remy. Enfin tout ce qu’on en peut dire, c’est que La Vallière, qui n’étoit pas demoiselle il y a cinq ans, est présentement noble comme le Roi [1].)

Il faut un peu dire comment est faite une personne qui a si fortement pris le cœur d’un Roi fier et superbe [2]. Elle est d’une taille médiocre, fort menue ; elle ne marche pas de bon air, à cause qu’elle boîte ; elle est blonde et blanche, marquée de petite vérole, les yeux bruns ; les regards en sont languissans, et quelquefois aussi sont-ils pleins de feu, de joie et d’esprit ; la bouche grande, assez vermeille, les dents pas belles, point de gorge, les bras plats, qui font assez mal juger du reste de son corps. Son esprit est brillant, beaucoup de vivacité et de feu. Elle pousse les choses plaisamment ; elle a beaucoup de solidité, et même du sçavoir, sçachant presque toutes les histoires du monde : aussi a-t-elle le temps de les lire ; elle a le cœur grand, ferme et généreux, désintéressé, tendre

     : « L’historien des Amours du Palais-Royal n’a-t-il pas dégradé la noblesse de mademoiselle de La Vallière, pour n’en faire qu’une petite bourgeoise de Tours ? Cependant elle étoit d’une famille alliée à celle de Beauvau le Rivau, l’une des plus nobles de la province. »

  1. Ce passage manque dans la copie de Conrart.
  2. Mademoiselle, dans ses Mémoires, dit : « Elle étoit bien jolie, fort aimable de sa figure. Quoiqu’elle fût un peu boiteuse, elle dansoit bien, étoit de fort bonne grâce à cheval ; l’habit lui en seyoit fort bien. Les juste-au-corps lui cachoient la gorge, qu’elle avoit fort maigre, et les cravates la faisoient paraître plus grasse. Elle faisoit des mines fort spirituelles, et les connoisseurs disent qu’elle avoit peu d’esprit. » (Éd. de Maestricht, VI, 351, 352.)