Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entendu que ce nom, tourna la tête vers eux tout ému et demanda : « Qu’est-ce, dites-moi ? » Le Duc lui repartit que La Vallière étoit en religion à Chaillot. Par bonheur les ambassadeurs étoient expédiés : car, dans le transport où cette nouvelle mit le Roi, il n’eût eu aucune considération. Il commanda qu’on lui apprêtât un carrosse, et, sans l’attendre, il monta aussitôt à cheval. La Reine, qui le vit partir, lui dit qu’il n’étoit guère maître de lui. « Ah ! reprit-il, furieux comme un jeune lion, si je ne le suis de moi, Madame, je le serai de ceux qui m’outragent. » En disant cela il partit et courut à toute bride à Chaillot, où il la demanda. Elle vint à la grille. « Ah ! lui cria le Roi, de la porte, tout fondu en larmes, vous avez peu de soin de la vie de ceux qui vous aiment ! » Elle voulut lui répondre, mais ses larmes l’empêchèrent. Il la pria de sortir ; elle s’en défendit long-temps, alléguant le mauvais traitement de Madame. « Enfin, dit-elle en levant les yeux au ciel, qu’on est foible quand on aime ! Et le moyen de résister ! » Elle sortit et se mit dans le carrosse que le Roi

    le Roi, avec un manteau gris sur le nez, alla à Saint-Cloud, dans un petit couvent de religieuses où il avoit appris que s’étoit jetée La Vallière. La tourière ne voulut pas lui parler ; après avoir essuyé quelques refus, il parvint à voir la supérieure et ramena La Vallière dans son carrosse. Cette retraite fit grand bruit et attira beaucoup d’affaires à ceux qui y pouvoient avoir pris part, dont je ne dois ni ne veux parler. » (Mém. de Madem., édit. citée, V, 209.) D’après la version de Mademoiselle, la jeune Reine auroit encore ignoré l’intrigue du Roi : c’est la seule différence importante des deux récits. Sur cette première retraite de mademoiselle de La Vallière, Cf. La Fayette, Hist. d’Henriette d’Angleterre, collect. Petitot, t. 64, p. 412-415 ; Mém. de Conrart, t. 63, p. 282 ; Motteville, t. 60, p. 170, 179.