Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/60

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avoit fait amener. « Voilà, dit-elle en y montant, pour tout achever. — Non, reprit son amant couronné, je suis roi, Dieu merci, et je le ferai connoître à ceux qui auront l’insolence de vous déplaire ; je n’excepte personne. » Il lui proposa sur le chemin de lui donner un hôtel et un train ; mais cela lui sembla trop éclatant, elle l’en remercia fort civilement. Enfin le Roi, en arrivant, dit à Madame qu’il la prioit de considérer mademoiselle de La Vallière comme une fille qu’il lui recommandoit plus que sa vie. « Oui, dit Madame, je la regarderai comme une fille à vous. » Le Roi parut mépriser cette sotte pointe et continua ses visites avec plus d’attachement qu’auparavant ; il lui envoya continuellement, à la vue de Madame, des présens très-magnifiques. Cependant le Roi la pressoit incessamment de vouloir prendre une maison à elle, et enfin elle y consentit, afin de le voir, disoit-elle, plus commodément ; il lui donna le Palais Biron [1], qu’il alla lui-même voir meubler des plus riches meubles qui soient en France. Elle en change quatre fois l’année ; il a honoré son frère, qui n’est pas honnête homme, d’une belle charge [2], lui a fait épouser une héritière qui étoit assez considérable pour un prince [3]. La Reine en a pensé mourir de jalousie, car elle aime le

  1. C’étoit un des plus beaux hôtels du faubourg Saint-Germain.
  2. Jean François de La Baume Le Blanc, marquis de La Vallière, homme d’un esprit peu cultivé et de lourdes manières (c’est ce qu’entend l’auteur en disant qu’il n’étoit pas honnête homme), étoit gouverneur et grand sénéchal de la province de Bourbonnois, capitaine commandant les chevau-légers du jeune dauphin, maréchal des camps et armées du Roi.
  3. Gabrielle Glay de la Cotardaye. Elle mourut dame du