Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/67

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voyoit sans joie la passion du Roi (et reçut mal les avis de ses parens [1]). Cependant le Roi continuoit d’aller chez La Vallière ; mais il y rêvoit et lisoit, ou sortoit sans lui avoir presque parlé. Il n’y eut que monsieur de Vardes et de Bussy qui ne s’y trompèrent point, et qui dirent toujours que ce n’étoit qu’un dépit amoureux. En effet, le Roi devint jaune, n’alla plus à la chasse, rioit par force et se donnoit mille maux à plaisir. Il s’en ouvrit au duc de Saint-Aignan en des termes qui faisoient bien connoître qu’il étoit pris pour sa vie. « Oui, disoit-il au Duc, si jamais homme fut à plaindre, c’est moi ; je ne fais rien qui ne me coûte et qui ne me gêne, et la couronne, en de certains momens, m’incommode. J’aime, Saint-Aignan, autant qu’on peut aimer, et ne connois que trop que l’on ne m’aime point, ou si foiblement que je ne serai jamais content. Cependant, que n’ai-je point fait pour me bien faire aimer ? Parle, Saint-Aignan, mais parle sincèrement : suis-je indigne d’être aimé ? Ne voyez-vous pas que tous ceux qui ont aimé de cette cour sont incomparablement plus aimés que je ne suis ? » Le duc, qui a de l’esprit, connut bien que le Roi n’étoit en cet état que par son extrême passion, et parla si obligeamment pour La Vallière que le

    grand-oncle, dont il prit le nom et le titre de duc. Il étoit marié depuis 1649 avec madame veuve de Pons. Peut-être, puisque le titre n’est pas indiqué, s’agit-il du marquis de Richelieu, son père, né en 1632, et qui avoit épouse dès 1652 la fille de cette Catherine Bellier, dame de Beauvais (Cathau la Borgnesse), qui avoit été le premier caprice de Louis XIV. — Cf. t. 1, p. 71.

  1. Manque dans le ms. de Conrart.