Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/70

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par respect au bout de la chambre avec le Duc. Mademoiselle de La Vallière se mit sur le lit du Roi ; elle étoit en habillement négligé, et le Roi, qui prend garde à tout, lui en sut bon gré. Elle le regarda avec une langueur passionnée à lui faire entendre que son cœur seroit éternellement à lui ; le Roi fut si transporté qu’après lui avoir demandé mille pardons, il baisa un quart d’heure ses mains sans lui rien dire que ces trois paroles : « Et que je serois misérable, Mademoiselle, si vous n’aviez pitié de moi ! » Enfin, ils se parlèrent et se contèrent leurs raisons, et furent cinq heures à dire : Que je vous aime ! Que vous aviez de tort ! Votre cœur est hors de prix ! Que nous avons lieu d’être contens ! Aimons-nous toujours ! Ils s’en tinrent aux paroles tendres, et ma foi je le crois, mais je ne sçais pas si le Roi, qui le lendemain se leva pour passer tout le jour avec La Vallière, le passa aussi sagement. Après ce raccommodement, il n’y a jamais eu de vie plus heureuse que la leur ; ils ont pris tant de peine à se persuader de la fidélité et de la tendresse l’un de l’autre qu’ils n’ont plus lieu d’en douter [1]. La Vallière a pris avec elle mademoiselle d’Attigny [2], fille de haute qualité, belle comme un ange, qui

  1. Encore une rédaction abrégée qui nous paroît le vrai texte : « Le roy fut si transi d’amour qu’il baisa une de ses mains plus d’un quart d’heure sans lui parler. Enfin ils parèrent, se contèrent leurs raisons, et furent cinq heures à se dire : que je vous aime ! nous avons lieu d’être très contents ! Ils s’en tinrent, dit-on, aux paroles tendres. » (Ibid.)
  2. C’est mademoiselle d’Artigny qu’il faut lire. Elle avoit succédé à mademoiselle de Montalet dans les confidences de mademoiselle de La Vallière. Toutes trois étoient, avec mademoiselle de Barbezières, filles d’honneur de Madame.