Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’oubliez jamais. » Et après bien des pleurs et des embrassemens il fallut se séparer.

Peu de temps après on trama de furieuses malices contre la vie de La Vallière, et le Roi, qui l’aimoit avec plus d’ardeur que jamais, et qui avoit connu la grandeur de sa passion à la proposition qu’on lui avoit faite de la marier, l’alloit voir trois fois par jour avec une assiduité qui marquoit bien son amour. Ce n’est pas qu’elle ne l’eût extrêmement grondé de l’avoir mise en liberté devant les Reines de se marier. « Êtes-vous, lui dit-elle, celui même que j’ai vu me jurer que la mort la plus cruelle ne l’est pas à l’égal de voir ce que l’on aime entre les bras d’un autre ? Êtes-vous celui qui disoit que dans ces occasions l’on se devoit servir des poignards et des poisons ? Non, vous ne l’êtes plus ; (mais pour mon malheur je suis encore ce que j’étois ; je vois bien cependant qu’il est temps que je travaille à trouver dans mon courage de quoi me consoler de la perte que je ferai bientôt de votre cœur [1]). — Mais, lui disoit le Roi, mettez-vous en ma place, et au nom de Dieu apprenez-moi ce que vous auriez répondu. Que pouvois-je moins dire, voyant une Reine à l’extrémité me conjurer de vous marier ? Le moyen d’avoir la dureté de lui dire, aussi cruellement que vous voulez, que je n’en ferois rien ? N’est-ce pas assez de dire que je ne m’y opposerois pas, si vous le vouliez ? Est-ce que je devois encore douter de votre tendresse pour ne m’y pas fier ? Non : je vous faisois plus de justice en m’assurant sur la fidélité de votre cœur. Combien y en auroit-il eu

  1. Ce passage manque dans la copie de Conrart.