Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/80

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ces termes, le Comte et Madame, parce que le Roi avoit apporté quelques obstacles à leurs visites.

Ce fut en ce temps-là qu’il se déguisa en fille [1], où il fut vu dans la chambre de Madame par la Reine d’Angleterre, et ce fut un peu après que le Roi lui ordonna d’aller à Marseille [2] et de partir dans le même jour sans aller chez Madame. Dieu sait s’il observa cet ordre ; il y fut tout botté. « Hé bien, Madame, s’écria-t-il de la porte, pour vous voir je brave le Roi et les puissances souveraines ; trop heureux si vous seule, qui me tenez lieu de tout, m’assurez qu’en quelque lieu que ma misérable fortune me porte, vous me voudrez du bien. Oui, Madame, dans la douleur qui me transporte, ni la colère du Roi ni celle des Reines ne m’est point redoutable ; j’appréhende la rigueur qu’apporté une longue absence. — Non, repartit Madame toute fondue en larmes en l’embrassant, non, non, cher comte, rien ne diminuera jamais l’affection que je vous ai promise, et aussi bien que vous je mépriserai toutes choses ; mais, mon cher, aimez-moi et ne

  1. « Madame étoit malade et environnée de toutes ses femmes… Elle faisoit entrer le comte de Guiche, quelquefois en plein jour, déguisé en femme qui dit la bonne aventure, et il la disoit même aux femmes de Madame, qui le voyoient tous les jours et qui ne le reconnoissoient pas. » (Hist. de Mme Henriette, collect. Petitot, t. 44, p. 410.) L’œil pénétrant d’une mère, de la reine d’Angleterre, ne pouvoit être aussi complaisamment aveugle.
  2. Ce n’est point à Marseille que fut envoyé le comte de Guiche. « L’on n’avoit pas trouvé à propos de le chasser, de crainte que cela ne fît de méchants bruits ; on l’avoit envoyé commander les troupes qui étoient à Nancy : c’étoit proprement un honnête exil. » (Mém. de Mademoiselle, éd. citée, 5, 233.)