Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/97

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il est de la meilleure foi du monde, il aime madame de Crequi passionnément ; elle ne lui est pas sans doute ingrate ; l’Église et la cour retentissent de ses coups, car le comte de Froulay [1] est aussi fort amoureux ; mais à le voir, on diroit que l’amour seroit le Dieu des malades ou des enragés, tant il fait de cris et de plaintes.

Mais laissons-le là pour écouter Madame, qui se plaint à la Duchesse du peu de soin que le comte a de lui donner de ses nouvelles : « Eh bien, ma chère, dit-elle, que pensez-vous de cet ingrat, qui, après avoir reçu mille et mille marques de ma tendresse, m’a quittée sans espoir de retour, et m’abandonne à des chagrins épouvantables ? Je sais que le misérable qu’il est n’est éloigné que par les ordres du Roi. Je l’avoue, ma chère ; mais aussi avouez que, s’il m’aimoit autant comme il m’a toujours fait paroître, il travailleroit à apaiser le Roi. Mais, hélas ! il fait trop bien voir que l’aversion qu’il a pour lui, et ses ressentimens contre ses ennemis, se rapportent sur l’amour qu’il a pour moi. » Après qu’elle eut essuyé ses beaux yeux, elle fit ces deux couplets de chanson, qu’elle chanta tristement :


Iris au bord de la Seine,
Les yeux baignés de pleurs,

  1. D’une célèbre famille du Maine, d’où sortit entre autres le maréchal de Tessé, neveu à la mode de Bretagne du comte de Froullay dont il s’agit ici, lequel étoit fils de Charles de Froullay et de Marguerite de Beaudan. Il fut, après son père, grand maréchal des logis de la maison du roi, avec 3,000 livres de gages, bouche à la cour ou son plat, deux pistoles par jour quand la cour marche, et autres appointements. Il mourut sans alliance, en 1675, dans un combat près de Trèves.