Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le dois-je prendre ou non ? Hélas ! je n’en sai rien !
Mille débats confus agitent ma pensée.
Si je retarde plus, j’avance mon trépas.
Je le prendrai. Mais non, je ne le prendrai pas ;
Car j’aime mieux mourir que te voir courroucée.

Cette agitation et cette manière respectueuse du marquis achevèrent de faire brèche au cœur de la pauvre Guillemette ; elle ne lui en fit pourtant rien remarquer, et ne lui donna que l’aveu qu’elle lui avoit déjà fait savoir, qu’il ne lui étoit pas indifférent.

Notre marquis fut rendre compte à Agnès de l’issue de son voyage, et visitoit sa Guillemette le plus qu’il lui étoit possible. Il gagna tant qu’à la fin elle lui avoua qu’elle l’aimoit ; il ne s’en voulut pas tenir là, il la conjura de répondre à son amour. Agnès, d’autre côté, la poussoit à ne se point ménager envers le marquis et à avoir soin de sa fortune. Ils surent en un mot si bien la persuader l’un et l’autre, qu’elle lui donna rendez-vous à la nuit prochaine dans sa chambre, où ils parleroient de leurs affaires. Mais le malheur voulut qu’une dame de qualité du voisinage ayant perdu par la mort deux de ses filles de service, et sachant que dans la maison où étoit Guillemette il y en avoit plusieurs, elle envoya supplier la dame de lui en envoyer une. Cette dame, qui avoit soupçon de l’intelligence du marquis avec Guillemette, eut de la joie d’avoir trouvé cette occasion pour s’en défaire, et d’autant plus qu’elle savoit que, par une haine invétérée entre le marquis et cette maison, il n’oseroit y fréquenter. Elle ordonna donc à notre