Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/100

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Mademoiselle ; je vous aime, je vous adore ; correspondez à mon amour. Hé quoi ! continuoit-il, vous ne me répondez rien ! Voulez-vous me réduire au désespoir ? » A tout cela elle ne répondit que par des soupirs, qui firent comprendre au marquis que les soins d’Agnès avoient beaucoup opéré. Il ne se contenta néanmoins pas de ce langage muet ; mais par toutes sortes de raisons il la conjura, il la pria de se déclarer, et fit tant enfin qu’il tira cet aveu de sa bouche, qu’il n’étoit point haï. Il en voulut être assuré par un baiser, mais elle ne voulut pas le lui permettre si tôt. En le lui refusant, elle ne lui ôtoit néanmoins pas l’espérance de l’obtenir à l’avenir ; mais lui, extrêmement passionné, ne pouvant avoir ce petit soulagement à son feu, pensa tomber en foiblesse, et il seroit sans doute tombé s’il n’y eût eu un fauteuil proche de lui qui le soutint. Il en fut quitte pour une petite pâmoison, de laquelle il ne fut pas plustôt revenu que, la regardant d’un œil languissant, il lui adressa ce sonnet :

a mon Dieu ! je me meurs ! il ne faut plus attendre
De remède à ma mort, si tout soudainement,
Guillemette, je n’ai un baiser seulement,
Un baiser, qui pourra de la mort me défendre.
Hélas ! je n’en puis plus, mon cœur ; je vais le prendre.
Mais non, car je crains trop ton courroux véhément.
Hé ! me faudra-t-il donc mourir cruellement,
Près de la guérison, qu’un baiser me peut rendre ?
Hélas ! je crains mon mal en pourchassant mon bien.