Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/127

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En effet, notre marquis perdit bientôt le souvenir

    secrète et que le jeune homme qui la recherchoit se soit contenté de la laisser, sans la diffamer, il ne put s’empêcher pourtant, avant de la quitter, de lui faire connoître la cause de sa froideur ; et, comme il étoit poëte et qu’il aimoit sa patrie, il fit des vers sur cette aventure, qu’il lui envoya tout cachetés en forme de lettre. Comme elle en avoit reçu grand nombre de sa façon où il lui parloit de son amour, elle crut que c’étoient des vers du même style ; mais elle fut bien surprise quand elle lut ces paroles, qui étoient une raillerie sanglante du malheur qui lui étoit arrivé :

    Stances.
    Vous faisiez à l’amour un trop pénible outrage
    De déguiser un mal dont lui-même est l’auteur.
    Iris, ne cachez plus un si parfait ouvrage,
    Qui fait de deux amants le souverain bonheur.
    En vain pour nous tromper vous usiez d’artifice,
    Couvrant de son mal feint un chef-d’œuvre si beau,
    Puisque l’illustre enfant de la déesse Erice
    A daigné l’éclairer de son divin flambeau.
    Qu’aucun regret pourtant ne saisisse votre âme,
    Et ne rougissez pas du fruit de votre amour ;
    Ce sont les doux effets d’une féconde flamme,
    Qui s’alloient amortir s’ils n’eussent vu le jour.
    Peut-être que ces jeux, ces ébats, ces caresses,
    Dont vous payez les feux de votre cher amant,
    Et que ces doux baisers, ces aimables tendresses,
    N’étoient, à votre avis, qu’un simple jeu d’enfant.
    Sachez pourtant, Iris, que l’Amour, ce fier maître,
    A qui l’on donne à tort un éloge si bas,
    N’est pas toujours enfant, puisqu’il en fait tant naître,
    Et que même il se plaît dans les sanglants combats.
    S’il revêt quelquefois une forme si tendre,
    C’est pour nous abuser, c’est pour tromper un cœur ;
    Mais après qu’à ses traits on s’est laissé surprendre,
    Il prend d’un homme fait la force et la vigueur.
    Que le triste regret de vous être déçue
    N’apporte aucun obstacle à des plaisirs si doux ;