Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/128

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de ses promesses[1], car il commençoit à la négliger, et ne la voir qu’avec une espèce de chagrin. Elle fut encore assez heureuse de l’avoir possédé pendant près de dix ans ; après quoi, voyant qu’il ne l’estimoit pas comme il avoit fait, qu’au contraire il la négligeoit tout à fait, elle prit une résolution de se retirer. Elle lui demanda la permission. D’abord il l’en voulut retenir par manière de bienveillance ; mais il y consentit enfin sans grands efforts. Elle eut, tant de ses épargnes que de ce qu’il lui donna, une petite somme avec quoi elle s’achemina à Paris. D’abord elle fit assez bonne chère, ne pouvant se désaccoutumer aux bons morceaux qu’elle mangeoit avec le marquis ; mais comme à Paris tout est cher, elle fut obligée de retrancher sa dépense et de songer à se mettre en condition. Elle pria

    S’il ne vous eût frappée, Iris, que dans la vue,
    Vous ne sauriez pas bien ce que peuvent ses coups.
    Savante à vos dépens, vous avez cette gloire
    Qu’il a, pour vous soumettre, employé tous ses traits,
    Et, pour être plus sûr de gagner la victoire,
    Sans doute qu’il voulut vous frapper de plus près.
    Cessez donc de pleurer un sort digne d’envie,
    Et ne regrettez pas la plus belle des fleurs ;
    Si ne la garder pas c’est faire une folie,
    On goûte en la perdant mille et mille douceurs.

    Ces vers piquèrent un peu celle pour qui ils avoient été faits ; mais comme elle étoit au-dessus de ces petits reproches et qu’elle s’étoit familiarisée avec son marquis, elle ne s’en mit pas fort en peine, et, résolue désormais de laisser parler le monde, elle ne songea qu’à goûter les douceurs de la vie et à y chercher de nouveaux raffinements, à quoi elle réussit mieux que femme du monde, comme nous l’allons apprendre dans la suite de cette histoire. »

  1. Ici les deux textes recommencent à se confondre.