Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/129

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pour cet effet une vieille entremetteuse de lui en procurer une ; mais cette femme, la voyant jeune et d’assez bonne mine, lui proposa un parti pour se retirer. Elle ne s’en éloigna pas beaucoup, et s’inquiéta de la personne et de sa vacation ; à quoi l’autre lui répondit que c’étoit monsieur Scarron, et qu’il étoit poëte[1]. Ce nom de poëte lui ravit d’abord l’âme, et elle demanda incontinent à le voir ; mais la vieille, jugeant qu’il étoit à propos de la préparer à voir cette figure et de lui en faire d’avance un petit portrait, afin que l’aspect ne lui en parût pas si horrible, lui dit : « Ecoutez, Mademoiselle, je suis bien aise de vous dépeindre la personne avant que vous la voyiez. Premièrement, c’est un jeune homme qui est d’une taille moyenne, mais incommodé ; ses jambes, sa tête et son corps font, de la manière dont ils sont situés, la forme d’un Z[2]. Il a les yeux fort gros et enfoncés, le nez aquilin, les dents couleur d’ébène et fort mal rangées, les membres extrêmement menus, j’entends les visibles (car pour le reste je n’en parle point). Il a

  1. D’après le P. Laguille, mademoiselle d’Aubigné auroit demeuré, quand elle accompagna à Paris, soit madame de Neuillan, comme l’assure Tallemant (in-8, t. 9, p. 126), soit madame de Villette, soit madame de Navailles, fille de madame de Neuillan, « dans le même quartier où logeoit le fameux Scarron. » Segrais, cité par M. Ed. Fournier dans une note sur ce passage (Var. hist. et littér., VIII, 65), dit aussi que l’intimité s’établit par le voisinage. Scarron demeuroit rue des Saints-Pères, à l’Hôtel de Troie. D’après le P. Laguille, ce seroit madame de Navailles qui auroit proposé à Scarron son mariage.
  2. Scarron nous a laissé de lui un portrait qui est la meilleure preuve de la fidélité de celui-ci.