Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/131

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elle alloit répondre, il entra une des sœurs de Scarron[1], qui lui fit retenir ce qu’elle avoit à dire, tellement qu’elle ne s’en expliqua point pour cette fois ; mais à l’autre visite qu’elle lui rendit, la vieille la sçut si adroitement persuader qu’elle lui promit d’être sa femme. Il en eut toute la joie imaginable, et depuis cet heureux aveu il ne manquoit journellement de lui écrire des billets doux, qu’il dictoit agréablement[2] ; ce qui ne servit

  1. Le poëte avoit deux sœurs, dont l’une épousa, dit-on, secrètement, le duc de Tresmes, père du marquis de Gesvres, ou plutôt fut sa maîtresse. « Scarron disoit de ses deux sœurs que l’une aimoit le vin et l’autre aimoit les hommes. On savoit qu’il n’avoit que ces deux sœurs et qu’elles n’étoient point mariées. » (Segraisiana, p. 58.)
  2. On a deux lettres de Scarron à mademoiselle d’Aubigné : dans l’une elle est nommée ; dans l’autre, adressée à ***, on la reconnoît facilement ; enfin, dans une troisième, adressée à M. de Villette, Scarron parle de mademoiselle d’Aubigné devenue sa femme, et donne quelques détails précieux qui ne semblent pas avoir été relevés. La première est connue : « Mademoiselle, lui dit le pauvre estropié, je m’étois toujours bien douté que cette petite fille que je vis entrer il y a six mois dans ma chambre avec une robe trop courte, et qui se mit à pleurer, je ne sçay pas bien pourquoy, estoit aussi spirituelle qu’elle en avoit la mine. La lettre que vous avez écrite à madame de Saint-Hermine est si pleine d’esprit que je suis mal content du mien de ne m’avoir pas fait connoître assez tout le mérite du vôtre. Pour vous dire vray, je n’eusse jamais cru que dans les îles de l’Amérique ou chez les religieuses de Niort on apprît à faire de belles lettres. » (Dernières œuvres de M. Scarron, t. I, p 11.) Dans la seconde, nous remarquons les passages suivants : « Vous êtes devenue malade de la fièvre tierce ; si elle se tourne en quarte, nous en aurons pour tout notre hiver, car vous ne devez point douter qu’elle ne me fasse autant de mal qu’à vous… Je me fie bien à mes forces, accablé de maux comme je suis, de prendre tant de part dans les vôtres. Je ne sçay si je n’aurois point mieux fait de me défier de vous la première fois que je vous vis. Je le devois,