Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/136

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qu’elle n’eut pas plutôt sue, qu’elle en avoit une plus grande de s’en décharger. Ainsi, tous les jours, dans une irrésolution féminine, elle se disoit la même chose. Un jour entre autres elle se disoit :

e ne l’ai dit qu’à moi, et si je me défie
Que moi-même envers moi je ne sois ennemie,
En disant un secret que j’ai pris sur ma foi,
Je ne le dirai point. Mais pourrai-je le taire ?
Non, non, je le dirai. Mais se pourroit-il faire
Que je pusse trahir ainsi mon frère et moi ?
Oui dà, je le dirai ; je m’imagine, et pense
Que, ne le disant point, je perdrai patience.
Si je le dis, j’en aurai grand regret ;
Si je ne le dis point, j’en serai bien en peine.
Mais quoi ! si je le dis, la chose est bien certaine
Que je ne pourrai plus rapporter mon secret.
Je ne le dis donc point, crainte de me dédire.
Mais si je le disois, à quoi pourroit-il nuire ?
Je ne le dirai point, j’ai peur de m’en fâcher.
Je le dirai pourtant : qu’est-ce que j’en dois craindre ?
Oui, oui, je le dirai. A quoi bon de tant feindre ?
S’il lui importoit tant, il le devoit cacher.

Après tant d’irrésolutions et d’agitations si différentes, elle arrêta d’en faire confidence à une amie, celle-là à une autre, et en peu tout le quartier en fut imbu et toute la conversation des compagnies ne rouloit que là-dessus. Cependant, comme chaque chose a son temps, une autre affaire fit évanouir celle-ci ; mais cela ne modéra néanmoins pas le chagrin du pauvre Scarron : il