Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/143

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elle, il lui dit : « Il y a déjà quelques jours, Mademoiselle, que je me sens pour vous un je ne sais quoi plus fort que de la bienveillance. J’ai cherché diverses fois les moyens de vous le déclarer et en même temps de vous prier d’y apporter du remède ; mais le temps ne s’étant jamais trouvé si favorable qu’à présent, je vous conjure de m’accorder ma demande, et de recevoir l’offre que je vous fais d’être maîtresse absolue de mon cœur et de mon royaume[1]. » Ce discours donna à notre héroïne une étrange émotion, et, toute pénétrée de joie : « Hélas ! Sire, lui répondit-elle, que Votre Majesté est ingénieuse à se railler agréablement des gens ! Quoi ! n’est-ce pas assez de sujet que celui que vous aviez sur ma manière d’écrire, sans en trouver un nouveau ? Je me dois néanmoins estimer heureuse de pouvoir contribuer au plaisir du plus grand monarque du monde.

—Non, non, Mademoiselle, lui répliqua-t-il précipitamment, ce ne sont point des sujets de raillerie, et c’est la vérité toute pure que je vous dis ; je suis sincère, croyez-moi sur ma parole, et répondez à mon amour.—Seroit-il bien possible, Sire, poursuivit-elle, qu’un grand Roi voulût jeter les yeux si bas ? Je ne suis pas digne d’un tel honneur, Sire, et un nombre innombrable de beautés les plus rares du monde, dont votre Cour est remplie, sont plus propres à engager

  1. Il est fort peu probable que Louis XIV ait offert ainsi son royaume à une femme qu’il pouvoit à peine souffrir dans les premiers temps des rapports de madame de Montespan avec elle. Tout le monde sait quelle antipathie madame Scarron inspiroit d’abord au Roi.