Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/160

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façon d’aller secrètement chez elle comme pour la surprendre. Ce monarque la trouva la plume à la main, et elle n’eut que le temps d’enfermer son papier dans sa cassette. Le Roi, qui est naturellement curieux et soupçonneux, voulut voir ce qu’elle écrivoit. Elle s’en défendit le plus qu’il lui fut possible, mais elle lui avoua enfin qu’elle écrivoit une lettre. Le Roi, la voyant ainsi embarrassée : « Est ce à quelque amant ? » poursuivit-il. A ces paroles, elle rougit un peu, et sa contenance obligea le Roi à la presser davantage ; et enfin, ne pouvant plus résister, elle dit qu’il étoit vrai qu’elle écrivoit à un galant, et que si Sa Majesté vouloit voir la lettre, qu’elle la lui feroit voir. « Voyons-la, dit le Roi, puisque vous me voulez bien faire confidence de vos secrets. » Madame de Maintenon, sans hésiter plus longtemps, ouvrit la cassette et donna au Roi sa lettre ; mais il fut un peu surpris, d’abord qu’il eut jeté la vue sur le papier, de voir à la tête de la lettre le mot de SIRE en gros caractère. « Hélas ! dit le Roi en embrassant sa belle, pourquoi faire tant de façon pour me faire voir une lettre qui m’appartient ? » Elle crut que le Roi se contenteroit d’avoir vu ce mot : elle avança la main pour reprendre son papier ; mais il retira la sienne, et voulut avoir le plaisir de lire le reste, dont voici le contenu :

Sire,


Un jour d’absence de Votre Majesté m’est un siècle. Je suis persuadée que, lorsque l’on aime, on ne peut vivre tranquillement sans voir la personne aimée. Pour moi, Sire, qui