Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’est servie de toutes sortes d’artifices pour s’y maintenir ; elle a tout mis en usage, et sans doute elle y auroit réussi si la discorde, qui se mêle presque de toutes choses, n’avoit point troublé, par une aventure que vous apprendrez, une si parfaite intelligence.

Bien qu’Astérie se fût étudiée, pendant sa fortune, à ne se faire aucuns ennemis qui pussent lui nuire, quelques paroles néanmoins qu’elle ne souffrit pas comme elle devoit lui en firent naître de très considérables et du premier rang : elle connut bien les mauvaises conséquences de quelques traits de médisance dont elle avoit fait le rapport au Roi, comme pour lui en demander justice ; elle eût bien voulu n’avoir pas été si sensible, mais il n’étoit plus temps : le mal devint sans remède, parce que la punition suivit de si près le crime prétendu, qu’elle se vit hors d’état d’y apporter aucun soulagement. Comme ses ennemis ne pouvoient pas lui nuire davantage qu’en tâchant de la mettre mal avec le Roi, ils firent leur possible de le persuader qu’il y avoit une extrême différence entre l’amour excessif qu’il avoit pour cette créature et le peu de retour qu’elle faisoit paroître dans l’occasion. Cette corde étoit bien délicate à toucher ; mais, outre que les personnes qui la manioient avoient l’oreille du Prince, ils s’y prenoient si adroitement que leur dessein ne pouvoit être découvert, ni leur ruse aucunement soupçonnée. Pour faire mieux réussir leur entreprise, elles représentèrent au Roi le peu de déférence qu’Astérie avoit eue en telle et telle rencontre, et ils sembloient faire leur rapport avec tant de désintéressement, que le Roi,