Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/173

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lui en parlât. Madame de Maintenon lui répliqua qu’elle avoit raison de croire que le Roi étoit délicat sur ce chapitre-là, « et je ne crois pas même, lui dit-elle, que vous feriez bien de lui en parler, puisque c’est vous commettre à un refus dont vous pourriez avoir de la mortification dans la suite. »

Cette espèce de conseil ne plut pas à madame de Montespan, qui lui répondit d’un ton assez fier qu’elle ne venoit pas là pour demander conseil, parce qu’elle se croyoit assez capable et assez grande pour le prendre d’elle-même ; mais, poursuivit-elle, je viens pour vous prier d’en dire un mot au Père La Chaise, afin qu’il y donne les mains.

Madame de Maintenon, qui se sentit piquée de cette brusque repartie, lui demanda pourquoi elle vouloit qu’elle parlât au Père La Chaise plutôt qu’elle, puisqu’elle le connoissoit aussi particulièrement qu’elle, et le pourroit faire elle-même. « La raison, dit madame de Montespan, en est aisée à donner : c’est, dit-elle, que je vous crois mieux dans son esprit que moi, et qu’au dire du Père, vous êtes une sainte, et moi une grande pécheresse, comme je l’avoue aussi. »

Madame de Maintenon, qui a de l’esprit, et qui voyoit bien où tout ceci alloit, et qui auroit été bien aise de finir la conversation, lui dit : « A quoi bon, madame, tout ce détail de sainteté ? — A vous faire connoître, continua madame de Montespan, que je sais fort bien ce que vous pouvez, et qu’étant fille de la société, il y a toujours plus de grâce pour une enfant sage et