Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/181

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spirituel, mais n’ai pas assez d’esprit pour en pouvoir tirer une morale fine, comme vous le souhaiteriez ; je n’ai rien de meilleur que la mémoire : je me ressouviens de votre mariage avec le bonhomme Scarron, cul de jatte. Vous m’avouerez, dit la Montespan, qu’il faut l’avoir heureuse pour se ressouvenir depuis si longtemps ; c’est aussi tout ce que je puis faire. S’il pouvoit retourner et qu’il vous vît au suprême degré où vous êtes présentement, je crois que sa veine ne seroit pas assez forte pour exprimer sa surprise par quelques vers burlesques, car c’étoit là son fort. En effet, bien d’autres que lui le seroient de trouver la femme du poëte Scarron, à l’âge de soixante ans[1], être la mignonne du plus grand roi du monde. Il y a de quoi s’étonner que les RR. PP. jésuites ont pu porter l’affaire à un tel degré ; et à ne pas vous flatter, continua la Montespan, il y a bien des gens qui croient, et vous ne leur ôteriez pas de la tête, qu’il ne leur ait fallu un aide surnaturel pour en venir à bout. Si l’on en croit les huguenots, et ils le disent ouvertement, leur perte a été le prix de votre reconnoissance ; et vous aviez promis au Père La Chaise que, s’il vous introduisoit dans les bonnes grâces du Roi, toute votre étude seroit de prôner au Roi la sainteté et le mérite de la Société, et qu’ensuite unanimement vous travailleriez à la destruction de la religion huguenote ; que pour cet effet vous fîtes un vœu au grand saint Ignace entre les mains du père La Chaise, et que sans

  1. Madame de Maintenon avoit alors cinquante ans, et non soixante.