Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vrai, mais que les huguenots le disent : allez leur empêcher d’en parler où ils sont présentement épars par toute la terre ; et pour ne vous pas flatter, continua madame de Montespan, je crois que, s’ils vous tenoient à Genève, ils ne vous traiteroient pas beaucoup mieux que les Anglois firent la Pucelle d’Orléans, qu’ils accusèrent d’être sorcière, et firent brûler. »

Madame de Maintenon, qui cherchoit une échappatoire pour se tirer du méchant pas où elle se trouvoit, sauta du coq à l’âne[1], et changea le discours sur monsieur Scarron, duquel elle dit qu’elle ne croyoit pas que les huguenots en diroient du mal, d’autant que la plupart de ces messieurs étoient de ses amis, jusqu’aux ministres mêmes, qui le venoient souvent visiter[2].

C’est ce qui fournit matière à madame de Montespan de pousser sa pointe, et de dire à la Maintenon que c’étoit ce qui la faisoit encore plus haïr, qu’elle rendoit de si méchants offices aux bons amis de feu son mari : « Et je suis, continua-t-elle, de l’opinion qu’ils étoient des amis du défunt, et qu’il se confioit à eux. Car, à ce

  1. On dit encore un coq-à-l’âne pour un propos interrompu et sans suite ni liaison.
  2. Les huguenots et les catholiques vivant alors dans une parfaite égalité, et, en ce qui touche les gens de lettres, étant également admis à l’Académie françoise, toute fondée qu’elle avoit été par un cardinal, y a-t-il donc lieu d’être surpris que Scarron fût visité par des protestants ? Entre ses amis, Conrart, protestant zélé, comptoit Godeau, l’évêque de Grasse, et Arnault, évêque d’Angers, ce dernier d’une famille où l’on n’est pas suspect de relâchement et de tiédeur en matière de foi.