Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/19

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voir l’infidélité d’une amante dont il parle, sans donner des larmes aux déplaisirs de son berger. — Je m’étonne, dit le Roi, comme une chose si ordinaire vous a émue, puisqu’il n’est rien de plus commun que l’inconstance du sexe. » Il continua l’entretien sur ce sujet, et le poussa si loin qu’Astérie, qui ne savoit point où cela tendoit, lui dit : « Hélas ! Sire, ce n’est pas une personne faite comme vous qui doive rien craindre, quand même elle auroit affaire à la plus volage de nous autres, et ceux dont le mérite particulier est aussi éclatant que le vôtre sont au-dessus de tous soupçons. — Jusqu’à présent, reprit le Roi, je m’en étois flatté ; mais souvent on s’abuse, et ceux qui ne jugent que des apparences sont fort sujets à être trompés. » Ces sortes d’expressions dont le Roi se servoit causèrent un embarras à Astérie qui ne se peut exprimer : elle n’étoit coupable que dans le stratagème de ses ennemis, et, ne pouvant rien se reprocher dans le particulier, elle ne répondit à ces paroles que par des marques d’une tendresse extraordinaire ; elle mit en usage tout ce que l’amour le plus passionné lui put inspirer, et les larmes qui accompagnèrent tous ses transports touchèrent le cœur de cet amant irrité. Le Roi est bon et sensible autant qu’il se peut aux déplaisirs de ce qu’il aime ; c’est pourquoi il ne put se résoudre à prendre l’éclaircissement qu’il souhaitoit : ce qu’il voyoit le persuadoit du contraire ; il se contenta de glisser adroitement le billet dans la poche d’Astérie, puis il se retira.

A peine le Roi fut-il sorti qu’Astérie tirant son mouchoir pour essuyer les larmes que l’amour lui avoit fait répandre, elle vit tomber à ses