Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/204

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ne me font pas plus de peur que les ennemis cachés et domestiques. Il n’y a que votre seule présence qui soit capable de me rassurer et de ramener le calme dans mon cœur ; accordez-la moi, mon Prince, cette douce présence, le plus tôt et le plus souvent qu’il vous sera possible, si vous voulez conserver ma vie et me délivrer des mortelles douleurs et des cruelles craintes que votre absence me cause. Vous avez, mon aimable Prince, ma vie et mon sort entre vos mains, aussi bien que mon cœur ; mais toute ma consolation est que je suis plus que persuadée que vous êtes jaloux de votre parole, et que rien au monde ne sera jamais capable de vous faire manquer de foi à mon égard, puisque je ne respire plus que pour vous aimer et pour vous plaire. Adieu, mon aimable ange. Ne différez pas de venir, si vous voulez conserver la vie de

La comtesse du Roure.

Cette lettre fut rendue à Monseigneur dans le moment qu’il étoit à jouer avec la princesse douairière de Conti[1] et quelques autres dames. Le Dauphin se doutant bien, par le retour du porteur, de qui elle venoit, il la mit dans la poche sans rien dire. La princesse, qui est naturellement curieuse, et qui se plaît aussi à la galanterie, regardant fixement le Dauphin, qui changea un peu de couleur dans le moment qu’il reçut le paquet, connut bien d’abord que cette lettre ne

  1. Marie-Anne, légitimée de France, fille de Louis XIV, veuve depuis le 9 novembre 1685 de Louis-Armand de Bourbon. Celui-ci étoit fils d’Armand de Bourbon et d’Anne-Marie Martinozzi ; il mourut sans enfants, et son frère, François-Louis de Bourbon, duc de La Roche-sur-Yon, prit ensuite le nom de prince de Conti.