Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/203

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mon cher cœur, que je fais gloire de tenir ma parole, et ainsi vous pouvez compter sur ce que je vous ai promis. Vivez donc en repos à mon égard, sans rien appréhender que ma mort, et me croyez toujours votre, etc.

Madame la comtesse du Roure, ayant reçu cette lettre, la baisa plusieurs fois avant que de l’ouvrir, et fut combattue par un mouvement de crainte et d’espérance. Elle avoit déjà appris la visite des deux prélats, et elle se doutoit bien que ce ne pouvoit être que sur son sujet ; mais enfin ses belles mains toutes tremblantes se hasardèrent d’ouvrir la lettre. En la lisant elle changea plusieurs fois de couleur, comme une marque du plaisir qu’elle y prenoit, et, dans la satisfaction et la joie où elle étoit, elle voulut y faire réponse, quoique le porteur l’assurât que Monseigneur ne l’avoit pas chargé d’en rapporter. « N’importe, dit la comtesse, je suis assurée qu’il n’en sera pas fâché, je m’en charge. » Et étant entrée dans son cabinet, elle écrivit fort promptement la lettre suivante :

Mon aimable Prince,


Je n’étois pas sans raison travaillée de grandes inquiétudes. Votre lettre, que j’ai reçue avec tout le respect que je vous dois, m’apprend que mes pressentiments étoient justes. En vérité, mon ange, je suis continuellement en allarme, soit que vous soyez à la tête de vos armées, ou à la Cour : j’ai raison de craindre également vos ennemis et les miens, et j’ose vous dire que toutes les armées des alliés ensemble