Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/215

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pour aimer, n’alla pas plus loin que sa belle maison du faubourg Saint-Honoré, pour y attendre le retour de son amant, sous prétexte que ses incommodités ne lui permettoient pas de passer plus avant sans hasarder sa vie. Le Roi, quoique impérieux dans ses volontés, et qui veut être obéi, fit semblant de n’en savoir rien, de crainte que, poussant cette affaire à bout, cela n’augmentât le mécontentement que Monseigneur en a déjà, et l’on n’en parla plus à la Cour. Depuis, la comtesse accoucha d’un fils, que le Dauphin reconnoît pour sien ; mais il n’a encore pu le faire naturaliser, et peut-être ne le pourra-t-il faire pendant la vie du Roi. La naissance de ce jeune seigneur a modéré le Roi dans les traverses qu’il suggéroit pour détourner le Dauphin de voir la comtesse ; et l’on peut dire que, nonobstant tous les chagrins que ce prince a reçus au sujet de la comtesse, il l’a toujours aimée constamment, et témoigné son amour au milieu de la plus grande persécution que le Roi lui faisoit, le Père La Chaise, ni la princesse de Conti, que le Roi faisoit agir, n’ayant pu le détacher de sa maîtresse. Aussi y avoit-il beaucoup d’apparence que la jalousie avoit la meilleure part dans les traverses de la princesse de Conti, y ayant toujours eu entre elle et le Dauphin une amitié sincère.

Ainsi le Roi ni personne n’ayant pu en venir à bout, Monseigneur vit présentement avec plus de tranquillité chez la comtesse du Roure. L’on n’en fait plus un mystère à la Cour, et les amours continueront de cette manière entre nos deux amants jusqu’à ce qu’il ait plu à Dieu de mettre