Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/228

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cœur lui en disoit, comme elle eût bien désiré, il ne perdît point de temps. C’est pourquoi, sans prendre garde qu’elle alloit se déshonorer elle-même, et que d’ailleurs un amant délicat aimoit mieux se douter de quelque intrigue de sa maîtresse que d’en être éclairci, et encore par elle-même : « Que voulez-vous, Monsieur ? lui dit-elle ; les engagements ne peuvent pas toujours durer. Je ne me défends pas d’avoir eu de la considération pour monsieur le comte de Fiesque ; mais c’est assez que nous soyons liées pour toute notre vie à nos maris, sans l’être encore à nos amants : autrement ce seroit être encore plus malheureuses que nous ne sommes. L’on ne prend un amant que pour s’en servir tant qu’il est agréable ; et cela seroit étrange qu’il nous fallût le garder quand il commence à nous déplaire. — Ajoutez, Madame, dit le duc de Sault, quand il commence à ne plus vous rendre de service. C’est pour cela uniquement que vous autres femmes les choisissez ; et quelle tyrannie seroit-ce que d’apprêter à parler au monde sans en recevoir l’utilité pour laquelle on se résout de sacrifier sa réputation ! Pour moi, continua-t-il, j’approuverois fort que, selon la coutume des Turcs, l’on fît bâtir des sérails ; non pas à la vérité pour y renfermer, comme ils le font, les femmes invalides, car ils me permettront de croire, avec tout le respect que je leur dois, que, quelque âge qu’elles aient, elles ont encore meilleur appétit que moi, qui crois en avoir beaucoup, mais pour servir de retraite aux pauvres amants qui se font tellement user au service de leurs maîtresses qu’ils sont incapables de leur