Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/232

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seroit difficile, comme il lui avoit dit, de redevenir le patron.

Quoique tout cela fût dit en riant, il ne laissa pas de faire impression sur l’esprit du comte de Fiesque ; mais comme il lui étoit impossible de vivre sans savoir si sa maîtresse étoit infidèle, il lui écrivit ces paroles comme si c’eût été le duc de Sault. Ainsi il fut obligé d’emprunter une autre main que la sienne, qui étoit trop connue de madame de Lionne pour pouvoir s’en servir :


Vous aurez fait un bien méchant jugement de moi, de la manière que j’ai reçu toutes les honnêtetés que vous m’avez faites. Mais en vérité, Madame, quand on est entre les mains des chirurgiens, ne fait-on pas mieux de ne pas faire semblant d’entendre, que d’exposer une dame à des repentirs qui font, avec juste raison, succéder la haine à l’amour ? Si l’on me dit vrai, je serai hors d’affaire dans huit jours ; c’est bien du temps pour un homme qui a quelque chose de plus que de la reconnoissance dans le cœur. Mais souffrez que j’interrompe cet entretien : il excite en moi des mouvements qu’on veut qui me soient contraires jusqu’à une entière guérison. Je souhaite que ce soit bientôt, et souvenez-vous que je suis encore plus à plaindre que vous ne sauriez l’imaginer, puisque ce qui seroit un signe de santé pour les autres est pour moi un signe de maladie, ou du moins que cela aggrave la mienne.

Il est impossible de dire si, à la vue de cette lettre, madame de Lionne eut plus de tristesse que de joie : car, si, d’un côté, elle étoit bien aise