Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/234

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le comte de Fiesque dès le moment qu’il eut vu cette lettre ; et ne faudroit-il pas que j’eusse le cœur aussi lâche qu’elle si je la pouvois jamais aimer après cela ? » — S’imaginant que c’étoit là son véritable sentiment, il mit cette lettre dans sa poche et s’en fut chez elle, où étant entré avec un visage composé et contraint : « Comme j’ai été longtemps de vos amis, Madame, lui dit-il, il m’est impossible de renoncer si tôt à vos intérêts ; je viens vous en donner des marques en vous offrant un homme qui est à moi et qui est incomparable sur de certaines choses. Je veux parler de mon chirurgien ; vous ne le devez pas refuser, et vous en aurez affaire sans doute avant qu’il soit peu, prenant le chemin que vous prenez. »

Ce discours embarrassa fort madame de Lionne ; elle se douta au même temps de quelque surprise. Mais le comte de Fiesque, à qui la couleur étoit montée au visage, et qui n’étoit pas si tranquille qu’il le croyoit : « Infâme ! continua-t-il en tirant sa lettre et la lui montrant, voilà donc les preuves que vous me deviez donner toute votre vie de votre amitié ! Qui est la femme, quelque perdue qu’elle fût, qui voulût écrire en ces termes ? Il faut que M. de Lionne le sache, et c’est une vengeance que je me dois. Il m’en fera raison, puisque je ne puis me la faire moi-même ; et s’il a la lâcheté de le souffrir, j’aurai le plaisir du moins de le dire à tant de monde, que je vous ferai connoître pour ce que vous êtes à tout Paris. »

Il lui fit bien d’autres reproches, qu’elle souffrit avec une patience admirable : car, comme elle étoit convaincue et qu’elle se voyoit entre ses